Yann Quenet fait le Tour du Monde sur son petit bateau de 4 mètres, “Baluchon”, qu’il a lui même construit ! Rencontre à l’île de La Réunion, avec cet aventurier, empli de simplicité !

Ecoutez l’audio de l’interview

Qui êtes-vous Yann Quenet ?

Je suis Yann Quenet, j’ai 52 ans et je fais le Tour du monde sur un tout petit bateau que j’ai construit moi-même. Un tout petit bateau de 4 mètres. Je viens d’arriver à La Réunion. J’ai presque fait les 2 tiers d’un tour du monde. Jusqu’ici, ça se passe très très bien.

Et qu’est ce qui vous a amené à faire ce Tour du monde ?

C’est quelque chose dont je rêve depuis très très longtemps. Et puis, j’arrive à un âge où j’ai pu prendre du temps pour le faire et donc, je le fais. Mais ce n’est pas un truc qui m’est arrivé un matin, en me disant, « Tiens, je vais faire le Tour du Monde », c’est un truc qui date de très très longtemps, c’est un rêve de gamin.

Quel est votre parcours, d’où vous venez ?

Je viens de Bretagne, de Saint-Brieuc, c’est dans le Nord de la Bretagne. Je suis né à Nantes. Génétiquement, je suis Breton, mais je suis né un petit peu en dehors de la Bretagne, et autrement j’habite Saint-Brieuc. J’ai un petit atelier où je construis des petits bateaux et je me fais plaisir.

Vous avez construit votre bateau ?

Oui, entièrement dessiné et construit. Et si jamais il marche pas bien, eh bien, je sais à qui demander.

Votre périple  a commence à Saint-Brieuc, et après comment ça s’est passé ?

Alors, ça ne s’est pas très bien passé au départ, je suis parti de Saint-Brieuc avec un précédent bateau qui faisait 30 cm de plus, 4m 30. Et je suis parti avec l’espoir de faire le Tour du Monde comme je fais actuellement, mais au large du Portugal, j’ai pris une bonne tempête et mon bateau a chaviré et j’ai coulé avec.

Donc, j’ai été récupéré in extrémis par un cargo, enfin, c’était un peu chaud. Et donc, je suis rentré chez moi en Bretagne et j’ai reconstruit le même, mais en mieux, Baluchon, avec lequel je fais le Tour du Monde.

Le deuxième lancement a été meilleur que le premier…

Jusqu’ici ça va, j’ai tiré parti de mes leçons.

Techniquement, comment vous avez équipé votre bateau, je vois qu’il y a des panneaux solaires, il marche comment en fait ?

Globalement, la philosophie de ce bateau, c’est de simplifier au maximum. Tout est simplifié au maximum. Mon gréement est tout simple, la coque est d’une fabrication de la forme la plus simple possible. Et donc, je n’ai pas de moteur, j’ai très très peu d’équipements qui peuvent casser, contrairement aux autres bateaux où c’est très compliqué, y’a plein de câbles, de cordages, de voiles…

Moi, je n’ai qu’une seule voile, qu’un seul mât, qui n’est même pas haubané, même pas soutenu par des câbles. La philosophie de ce bateau, c’est tout simplifier au maximum.

Mais j’ai quand même mis deux petits panneaux solaires, pour ma lumière, pour la navigation et pour charger mon téléphone qui me sert pour naviguer.

Mais d’où vous vient ses connaissances, vous avez beaucoup navigué ?

Je suis complètement autodidacte. J’ai commencé plus jeune, avec une vieille barcasse que j’ai retapée et puis j’ai appris comme ça, en faisant quelques erreurs.

Quel a été votre périple depuis Saint-Brieuc ?

Avec le premier bateau, je suis descendu jusqu’au Portugal, enfin au large du Portugal et j’ai coulé et après je suis reparti avec celui-là, de Lisbonne, donc, je l’ai mis derrière ma voiture, je suis descendu jusqu’à Lisbonne avec mon bateau pour repartir de l’endroit où j’avais coulé à peu près, pour me faire une continuité logique avec mon précédent voyage.

Et de Lisbonne, je suis parti aux Canaries où j’ai attendu la bonne saison pour traverser l’ Atlantique, direction les Caraïbes, pendant l’été 2019, et puis j’ai traversé l’Atlantique et ça m’a amené vers les Caraïbes vers la fin de l’année 2019.

Après j’ai traversé début 2020, la mer des Caraïbes pour aller jusqu’à Panama.  A Panama, j’ai traversé le canal par la voie terrestre parce que mon bateau est trop petit pour passer le canal. En fait, il faut des équipiers obligatoires, pilotes, moteur, moi, je n’ai pas tout ça.

Une fois dans le Pacifique, je suis descendu jusqu’aux Marquises, et c’est là que j’ai appris qu’il y avait un virus qui bloquait toute la Planète. Et donc, je suis arrivé aux Marquises, je n’avais plus rien à manger à bord, ni à boire et on me dit « Ah non, on peut pas descendre à terre », enfin c’était l’aventure quoi  !

Comment ça s’est passé alors aux Marquises, comment vous vous en êtes sortis ?

Et bien comme il y avait plein de bateaux à l’ancre dans la Baie, et que tout le monde m’a vu arrivé, avec les yeux  écarquillés, grands comme ça, avec mon tout petit bateau, , tout le monde est venu m’apporter des fruits, du chocolat, des choses comme ça, c’était super gentil, très très sympa, c’est un très très bon souvenir.

Dans votre périple, vous avez certainement rencontré du monde, vous avez certainement fait connaissance avec  des gens différents, comment c’était ?

Eh bien, c’est toute la bonne surprise de ce voyage. A l’origine, je suis parti complètement discrètement. Personne ne savait où j’allais et donc je me suis dit “je vais faire mon petit Tour tranquille et incognito…..” et maintenant à chaque fois que j’arrive quelque part, comme le bateau est tellement petit, ça interpelle les gens, et tous les gens viennent à moi, donc, ça me permet de rencontrer, de faire plein de rencontres que je n’aurais pas fait en temps normal parce que je suis quelqu’un qui ne va pas trop naturellement vers les gens. Donc, c’est une bonne surprise de ce voyage, c’est quelque chose que je n’avais pas prévu au départ. Mais finalement mon passeport pour communiquer, c’est mon petit bateau.

Est-ce que vous avez des anecdotes à raconter pendant ce périple, des choses insolites que vous avez vécus ?

Eh bien, oui, c’est plein de petits détails, des petits moments de grâce, autour de ce voyage.

Ce qui me vient en tête, là , une fois quelque chose a cogné dans mon bateau. Je pensais que c’était un tronc d’arbre ou quelque chose comme ça et finalement, ça a recommencé. C’était un requin qui attaquait le bateau.

J’avais plongé juste une heure avant pour gratter la coque et donc je me suis fait une petite peur rétrospective, parce que c’était un requin du large qui était très très très agressif. Donc, je me suis dit, maintenant, je ne vais plus plonger pour gratter ma coque, même si je vais un peu moins vite, c’est pas très grave, c’est mieux que d’avoir un bout de bras en moins.

Comment vous vous sentez dans votre bateau ?

Je suis le roi du monde dans mon petit bateau, j’ai tout à portée de main, j’ai tout ce qu’il faut, je suis le roi du monde, de mon petit royaume de 4 mètres de long.

Comment est organisé votre bateau ?

C’est juste une couchette avec mes petites affaires tout autour, donc je n’ai pas besoin de me lever , il est tellement petit que je suis Alexandre le Bienheureux allongé sur mon lit et assis ou debout dans la descente et je rêvasse et je contemple la mer et je passe de très très bons moments.

Quand vous dîtes que vous rêvassez, vous contemplez la mer, ça doit être des moments phénoménaux que vous devez vivre  !

Ah oui, de très très bons moments, je n’échangerai pas ma place !

A partir des Marquises, quelles ont été les étapes suivantes ?

Après les Marquises, j’ai été en Polynésie, j’ai été jusqu’à Tahiti, j’ai visité un peu toutes les îles de la Société. J’ai même fait un tour aux Tuamotu,  un grand archipel qui se trouve au Nord de Tahiti, mais sur un autre bateau, comme équipier. J’avais trouvé un embarquement sur un très très grand bateau. Donc j’ai connu le monde des extrêmes.

Et après, j’ai retrouvé mon petit bateau à Raiatea, l’île la plus à l’Ouest des îles de la Société et là, je voulais visiter les îles, mais avec le COVID, tout était fermé.

J’ai décidé de rejoindre la Nouvelle Calédonie, qui est une île française proche de l’Australie.

Le but de mon voyage était d’arriver en Australie, d’acheter une vieille bagnole, de charger mon bateau sur le toit de la voiture et traverser l’Australie par le milieu et rejoindre l’océan Indien et après continuer.

Mais là, avec le COVID, l’Australie c’est tout fermé de chez fermé. Donc, là, une fois en Nouvelle Calédonie, j’ai attendu l’ouverture pourtant, j’ai attendu la saison cyclonique là-bas, presque 6 mois et puis voyant que ça ne s’ouvrait pas , je me suis dit : “je vais tenter un truc un peu dingue, je vais rejoindre l’île de La Réunion, d’une seule traite”

Il y a 7 000 miles, à peu près 13 000 km, et donc j’ai chargé mon petit bateau à bloc, qui n’est pas fait pour avoir autant de nourriture , ni d’eau et j’ai tenté l’affaire de rallier l’île de La Réunion d’une seule traite.

Et combien de temps, cela vous a pris ?

La traversée, 77 jours sur un petit bateau comme ça. Et l’océan Indien, c’est un petit peu musclé, c’est un petit peu l’aventure, une vraie aventure maritime. Mais de très bons moments de mer.

Donc, vous avez rallié La Réunion, il y a 3 semaines ?

Non, là maintenant, ça fait plus de 2 mois. J’attends la bonne saison pour partir en Afrique du Sud. J’attends que l’été se déclenche.

L’Afrique du Sud et l’étape d’après ?

L’étape d’après, c’est d’essayer de passer le Cap de Bonne Espérance, qui est assez réputé difficile et de faire des petits sauts de puce, étapes par étapes ,car les vents sont à contre-courant.

Quand la mer est mauvaise là-bas, c’est très difficile et une fois que je serai de l’autre côté, à la ville du Cap,  eh bien là, je serai dans l’Atlantique, je serai un petit peu dans mon jardin, si on veut, et je n’aurai plus qu’à remonter pour aller à Sainte Hélène, la Pointe du Brésil, après, les Açores et La Bretagne, si tout va bien.

Mais ça peut changer, si j’ai d’autres idées en tête, et puis ça va dépendre de comment évolue le COVID.

Donc, il y a encore deux traversées de l’Atlantique pour rentrer à la maison. Y’a encore un peu de chemin à faire.

Quels ont été les plus jolis moments que vous avez vécus ?

Moi, ce qui m’a le plus marqué, c’est l’arrivée aux Marquises, où j’avais fait 44 jours de mer depuis Panama. Et de voir surgir les Marquises, ce sont un peu des îles de rêve, dont j’avais toujours rêvé… Par moment, je me suis demandé si je ne rêvais pas ou si j’étais dans la réalité. Donc c’étaient des moment délicieux comme ça, de vivre un peu déconnecté de la réalité.

Et qu’est ce qui a été le plus difficile ?

En fait pour moi, ce qui est le plus difficile, ça va vous paraître étrange, ce sont les arrivées dans les Ports, où il faut préparer tout. Il y a souvent les douanes, des papiers à remplir, c’est un calvaire pour moi et quelques jours avant d’arriver, je commence à me stresser, je me dit que l’arrivée sur la Terre, ça va devenir l’enfer.

Donc, en fait, l’enfer c’est La Terre et le Paradis, c’est la mer ?

Un petit peu oui, c’est ça. Mais il y a de bons moments à terre, il y a de très bons moments à Terre, même !

En fait, vous êtes un grand solitaire  !

Voilà , oui, oui, sûrement  !

Si une personne voulait répéter votre challenge, quel conseil vous lui donneriez ?

Il faut partir le plus rapidement possible, il ne faut pas attendre des années, avoir un bateau plus grand ou mieux équipé.

Dès qu’on a envie, faut y aller, la vie passe trop vite, ses rêves, il faut les réaliser le plus vite possible !

« Ses rêves, il faut les réaliser le plus vite possible » C’est une belle conclusion !

Ben, je pense oui !

Pour suivre le voyage de Yann Quenet : Facebook 

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